Ode à Mary

Publié le par Ellie

Mary est légère comme une plume, c'est un petit bout de fille d'à peine sept ans. Et pourtant c'est quelqu'un. Déjà une grande voyageuse, qui est venue en terre de France sur une barque, puis dans un avion, sans parler français. Avec ses frères et ses soeurs nés dans la misère.

La femme qui élève Mary, avec ses soeurs et ses frères, appelons-la sa mère.  Sa mère, à Mary, ne sait pas lire, elle n'a jamais fréquenté l'école.
Jamais elle n'a eu cette chance.

Car il y a encore des gens en France qui pensent que c'est une chance. Il faut vraiment avoir manqué de tout comme eux, pour apprécier  l'école. C'est ce que pensent narquois les gens désabusés. Ceux à qui rien n'a jamais manqué.

Mary a une qualité rare et essentielle, qui est aussi sa chance : Mary aime l'école. Et c'est un bonheur de l'avoir comme élève.

Pour Mary, on souhaiterait ne prononcer que des paroles capitales, sages et pleines de sens.

Pour Mary, on aimerait être la meilleure institutrice du  monde.

Pour Mary, on voudrait ne jamais se tromper, toujours être au sommet, de son art, de sa forme.

Pour Mary, on tenterait chaque jour de faire le maximum.

Et le miracle, c'est que,  pour Mary, on est vraiment tout ça : l'alpha et l'oméga. La maîtresse qui sait tout, qui donne l'espérance et la joie.
Dans son regard confiant, dans sa volonté sereine d'apprendre, on retrouve ses valeurs, le plaisir de transmettre. De partager le savoir.

Pour Mary qui vous dévore des yeux, boit vos paroles, sourit de plaisir à chaque petit progrès qu'elle fait, ne se décourage jamais et se nourrit intégralement de tout, de vous. Qui répète à mi-voix, intime soliloque, la plus infime parcelle de savoir que vous lui transmettez, pour bien mémoriser, le regard pénétré, tourné juste un instant vers son fors intérieur. Oh, un instant seulement, car il ne faudrait surtout rien manquer de l'école. Rien manquer de tout, de vous.

Cette nuit, ce texte un peu grandiloquent, je l'écris pour Mary et pour toutes les Mary du monde qui vous donnent à nouveau envie d'enseigner. Pour qu'un jour ce soit elle, Mary, qui écrive ces mots-là, ces mots alambiqués de savant, qu'elle jouira vraiment de pouvoir maîtriser. Car elle les aura gagnés, d'aucuns diront volés. Moi, je dis qu'elle les aura mérités.


Une seule pensée à Mary et le goût de la classe vous revient dans les dents, les tripes, les os, les nerfs.
Une seule Mary suffit pour redonner son sens à tout notre métier.

Merci Mary, d'avoir traversé les océans. Merci d'avoir oublié l'odieuse loi des papiers tamponnés de l'encre rouge sang, oublié le droit du sol, le droit du sang.

Merci d'avoir tout tenté pour entrer dans notre vie. Merci d'avoir réussi.

Tout simplement, merci, Mary, merci d'exister.
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O
Enfin de journée, cela doit faire un bien fou de se dire...Mary a tout pris !
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E
Limite larmoyant, hein ? mais il était tard et j'étais fatiguée... je ne fais plus rien de bon après minuit quand je me suis levée à 7 heures.
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J
Touchant.
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E
Pour Mary tu as écrit un très beau texte qui me met les larmes aux yeux...
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N
que de l'émotion, rien à ajouter...
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